« Tu » ou « Vous », ça change quelque chose ?

Une question culturelle

Je rêve de vivre dans un pays dans lequel cette question n’existe pas.
J’adore la simplicité du « you » anglais par exemple. En France, que de complications avec le tutoiement ou vouvoiement…

 

 

Ce sujet me passionne depuis longtemps car instinctivement, je suis plus à l’aise avec le « tu » et je me suis souvent retrouvée à débattre avec des gens qui sont profondément convaincus que seul le vouvoiement garantit la politesse et le respect.

Je ne partage pas cette position (croyance ?) car elle n’est pas cohérente avec mon vécu.

Au cours de ma première expérience en entreprise, j’étais stagiaire dans un grand groupe américain et tout le personnel se tutoyait. J’ai donc fait l’expérience à 20 ans de tutoyer ma manager, mon directeur d’unité et même mon directeur général. C’était presque un défi tellement notre éducation nous apprend l’inverse. La 1ère fois que j’ai parlé avec le directeur général, j’ai bien eu un moment d’hésitation quand même et ensuite, je me suis lancée et pour tout vous dire, j’ai adoré !

 

Une liberté précieuse

Avant d’analyser ce que je ressentais, je l’ai d’abord vécu corporellement. C’était comme si le fait de prononcer ce « tu » m’autorisait à être une personne différente, à avoir une posture différente. Le tutoiement est symbolique d’une vision différente des rapports dans le travail. Chacun a sa fonction, son expérience, sa part à faire. Chacun a un pouvoir différent en fonction de ses responsabilités mais la parole est libre et cela rend la responsabilisation plus forte grâce à ce « tu » qui libère.
Pour autant, vous imaginez bien que du haut de mes 20 ans, je vouais un immense respect aux directeurs que je côtoyais pour leur talent, leur vision stratégique et leur charisme. Mais ce n’est pas le vouvoiement ou le tutoiement qui inspirent ce genre de respect.

J’ai un souvenir précis et particulièrement fort d’une soirée d’entreprise à l’américaine. Pour fêter un évènement important, tous les salariés étaient conviés et sont donc réunis dans une grande salle pour un diner en tables rondes où sont mélangés les différents services et les différents niveaux hiérarchiques. L’ambiance est détendue et les discussions sont naturelles. Déjà, c’est tout à fait notable car c’est rarement le cas pour ce type d’évènement. A un moment, le directeur général invite chaque table à réfléchir collectivement sur un thème qui concerne l’avenir de l’entreprise et ensuite à chaque table quelqu’un prend le micro pour présenter les idées proposées. J’ai pu constater avec joie que de nombreuses personnes donnèrent leur avis et furent volontaires pour prendre la parole, pas seulement les managers. La puissance du langage donne des ailes !

 

ailes

 

Bien sûr, il ne s’agit pas uniquement de langage. Le style de management rend cela possible ou non, c’est un ensemble qui doit être cohérent pour fonctionner.

Depuis, hasard ou pas, j’ai toujours travaillé dans structures où le tutoiement était la règle. Et j’ai étendu naturellement cette règle avec les partenaires réguliers avec lesquels j’étais en contact.

 

Mon authenticité en jeu

Et puis, quand j’ai décidé de créer mon cabinet et d’accompagner les gens vers les changements qu’ils souhaitent voir dans leurs vies, je n’ai pas réfléchi à cette question. J’ai fait comme je pensais que tous les praticiens faisaient, j’ai vouvoyé les gens qui venaient me voir. Parfois, au bout de quelques séances, c’est la personne qui passe elle-même au « tu » au milieu d’une phrase sans le faire exprès et souvent, elle se reprend comme si elle avait fait une faute ! Moi, intérieurement, ça me réjouit ! Je me dis qu’elle est en confiance.

Dans mon cabinet, vous venez déposer des choses, mieux vous connaître, avancer vers vos objectifs. La proximité et le partage des émotions sont le socle de mon métier. Et puis, il s’agit d’un binôme qui travaille main dans la main, d’un partenariat qui pour fonctionner met le praticien et la personne accompagné au même niveau.

Alors pourquoi m’imposer ce « vous » qui n’est pas naturel pour moi ? Pourquoi continuer à l’utiliser alors que je ne cherche pas à installer une distance avec les personnes que j’accompagne ?
Certes, nous sommes dans un rapport professionnel à l’intérieur du cabinet et c’est bien comme ça. Faut-il pour autant garder ce « vous » qui me dérange ? J’ai pris récemment la décision que non, il ne « faut » pas 😉 ! J’ai besoin d’être 100% cohérente avec mes valeurs et mes croyances pour être 100% disponible. Je n’en avais pas conscience jusque là mais ce vouvoiement, je le vis comme une contrainte sociale qui ne me parle pas, qui ne me ressemble pas.

 

Magali Lavalliere
Photo Frédérique Jouvin

 

Alors, j’ai décidé de proposer le « tu » à tous ceux qui vont venir me voir maintenant. Et aussi de te tutoyer dans mes articles.
Aller plus loin dans la simplicité de la relation me réjouis ! Assumer quelle praticienne je veux être aussi !

Et toi ? Que préfères-tu ? Dans quelles circonstances penses-tu que le vouvoiement t’enferme ? ou au contraire te convient ?

2 réponses

  1. Ben écoute (ou plutôt, « lis », mais j’ai tendance à écrire comme je parle), en tant qu’ancien parisien, je trouve déjà que le tutoiement est plus rapide et naturel en Bretagne, en tous cas à Vern.
    Je t’encourage vivement à le faire systématiquement avec tes « visiteurs », en début de séance. Comme je te l’ai déjà dit, il;y a deux ans environ, j’étais allé voir un magnétiseur pour l’arrêt du tabac, et d’entrée il m’a dit « on se tutoie »…j’ai été surpris au début puis ensuite j’ai trouvé ça cool…
    On en discutera plus longuement à l’occasion, j’espère…
    Bises
    Eric

  2. Notre éducation nous met effectivement une barrière à franchir du vouvoiement au tutoiement, j’ai souvent du mal à passer le cap mais je dirais que tout dépend de la personne avec qui j’échange et le cadre dans lequel on se trouve. Pa exemple en séance je t’ai toujours vouvoyer et lors de la soirée des écoles je t’ai tutoyé facilement car j’étais en confiance et dans un autre cadre. Je pense que tu as raison de le proposer !

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